Quatre chercheurs signent dans les Cahiers de nutrition et de diététique, un point concernant les connaissances récemment acquises sur le microbiote intestinal et les probiotiques. De nombreuses études démontrent un lien fort entre santé et composition du microbiote. Plus de recherches sont nécessaires, mais de premiers travaux justifient l’utilisation de certains probiotiques dans la prévention ou le traitement de quelques pathologies.
Un microbiote est l’ensemble des micro-organismes (bactéries, levures, champignons, virus) vivant dans un environnement spécifique. Parmi les microbiotes associés au corps humain (cutané, vaginal…), le microbiote intestinal, auparavant appelé : « flore intestinale », est le plus étudié. L’arrivée au début des années 2000 des outils moléculaires basés sur le séquençage de l’acide désoxyribonucléique (ADN) a révolutionné les connaissances, en permettant de caractériser les espèces non cultivables le composant et en donnant accès à l’ensemble des gènes du microbiote dominant. Le nombre d’espèces identifiables est supérieur à 500 et la densité des populations microbiennes atteint plus de 100 milliards de bactéries par gramme de contenu dans le côlon. La majorité des espèces bactériennes dominantes chez l’adulte appartient à trois phyla bactériens : les Bacteroidetes, les Firmicutes et les Actinobacteria. Les progrès de la science amènent à considérer le microbiote intestinal comme un organe à part entière, ayant de multiples fonctions : rôle de barrière vis-à-vis de la colonisation par des micro-organismes pathogènes, fermentation des substrats disponibles au niveau du côlon, synthèse de vitamines et de composés bioactifs, maturation du système immunitaire et de l’épithélium intestinal.
Un microbiote intestinal propre à chaque individu
Chaque individu possède un microbiote spécifique, dont la composition évolue peu, excepté durant les trois premières années de vie et le grand âge. La colonisation bactérienne commence dès la rupture des membranes fœtales au moment de la naissance et même, selon certaines études récentes, in utero. Les enfants nés par voie basse sont davantage en contact avec les microbiotes maternels, alors que les enfants nés par césarienne débutent leur « histoire bactérienne » à partir des bactéries de l’environnement. Le microbiote se diversifie au cours des premiers mois de vie, puis se stabilise vers l’âge de 3 ans, alors proche du microbiote adulte. L’âge adulte est une période de la vie où sa composition ne varie que peu dans sa structure globale. Néanmoins, il semble essentiel de favoriser sa diversité, sur laquelle l’alimentation a probablement un impact majeur. Des travaux montrent que le microbiote d’individus suivant un régime occidental -riche en sucres simples, protéines et graisses animales- est dominé par des Bacteroides, tandis que celui des forts consommateurs de fruits et légumes, est dominé par des Prevotella (les chercheurs parlent d’entérotypes Bacteroides ou Prevotella).
Des liens étroits entre le microbiote intestinal et la santé de son hôte
Les interactions entre l’Homme et ses microbes sont durables tout au long de la vie et la santé est l’expression d’une bonne homéostasie entre les microbiotes et les cellules humaines. La bonne santé de l’Homme dépend notamment de l’équilibre du microbiote intestinal, qui le protège des bactéries pathogènes ingérées (effet barrière) et stimule le système immunitaire. De nombreuses études révèlent que des anomalies qualitatives du microbiote, peuvent être un des maillons explicatifs de certaines pathologies : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), syndrome de l’intestin irritable (SII), obésité, certaines maladies neurologiques, etc…Par exemple, en ce qui concerne le SII, il a été décrit une augmentation du rapport Firmicutes/Bacteroidetes. Ou bien, lors de l’infection à Clostridium difficile, une augmentation des bactéries du genre Bacteroides avec une réduction de la diversité. Dans ces pathologies, on retrouve une altération de la composition du microbiote, associée à une réponse inappropriée de l’hôte, qui perturbe notamment le système immunitaire et la barrière intestinale. L’altération de la symbiose entre le microbiote et l’hôte est appelée « dysbiose ». Il semblerait qu’une dysbiose lors de la période périnatale ait un impact sur la santé de l’enfant et de l’adulte. La relation la plus documentée concerne le lien entre une dysbiose précoce et une augmentation du risque de développer une allergie en raison d’une maturation inadéquate du système immunitaire. Des différences de microbiote ont été rapportées entre des nourrissons allergiques et non allergiques et des suivis de cohortes ont relié la naissance par césarienne à un risque augmenté de développer une allergie. La naissance par césarienne a aussi été associée à une augmentation du risque d’obésité à 7 ans ou encore de développer un diabète de type 1.
Des probiotiques, pour moduler la composition du microbiote ?
Les liens entre maladies et dysbiose du microbiote incitent à tenter de corriger cette dernière. Une approche consiste en l’utilisation de probiotiques. Ces derniers ont été définis en 2001 par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et l’Organisation mondiale de la santé (FAO/OMS) comme : « des micro-organismes vivants qui, une fois ingérés en quantité adéquate, confèrent un bénéfice de santé à l’hôte. » Concernant les aliments (aliments fermentés ou compléments alimentaires), la réglementation européenne impose que le terme « probiotique » ne puisse être utilisé que pour des produits contenant un micro-organisme spécifique, ayant fait l’objet d’études contrôlées qui démontrent un intérêt pour la santé. Pour le moment, seul le yaourt est concerné, ses micro-organismes –Lactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus et Streptococcus thermophilus– étant reconnus par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) comme permettant une meilleure digestion du lactose contenu, par les individus qui le digèrent mal. Néanmoins, il existe de bons niveaux d’évidence concernant l’impact positif d’autres micro-organismes sur la santé. Les effets bénéfiques des probiotiques habituellement observés sont : la régulation du transit intestinal, la production de métabolites bactériens bénéfiques, l’exclusion compétitive de pathogènes. L’efficacité de probiotiques a été démontrée dans le traitement du SII, pour la prévention de l’infection à C. difficile et de sa récidive. Certaines souches ont montré des effets sur la réduction des douleurs abdominales, des ballonnements et des troubles du transit. Enfin, certains probiotiques – Lactobacillus rhamnosus GG et Saccharomyces boulardii– sont utiles contre la diarrhée secondaire aux antibiotiques.