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L’intestin, notre 2eme cerveau?

L'intestin notre 2eme cerveau ? YINI

Le microbiote intestinal est l’un des sujets les plus étudiés par les chercheurs de nos jours:  axe intestin-cerveau, diversification du microbiote au cours de la vie et impact de l’alimentation sont des questions variées, auxquelles la science commence à apporter des réponses.  Sophie Yvon (Ecole d’ingénieurs de Purpan, Toulouse) et Olivier Goulet (Hôpital Necker, Paris) échangent et nous donnent quelques éléments de réponses.

La question de cette semaine : Pourquoi peut-on dire que l’intestin serait notre 2eme cerveau ? Sophie Yvon nous répond.

200 millions de neurones sont présents dans l’intestin, si bien qu’on le considère comme « notre deuxième cerveau ». Le microbiote intestinal a-t-il une influence sur cette population de neurones ?

Sophie Yvon : L’intestin et le cerveau sont étroitement connectés. Le cerveau est en contact permanent avec le tube digestif. Qui lui-même est en contact permanent avec le microbiote intestinal.  On parle alors de l’axe microbiote-intestin-cerveau. Même si les mécanismes ne sont pas encore clairement élucidés, on sait que le microbiote intestinal agit sur le cerveau, par les voies sanguines et/ou nerveuses via la sécrétion et libération de certaines molécules.

On a tendance à oublier que notre microbiote est en réalité composé d’êtres-vivants. Et comme tout être-vivant, les bactéries consomment et produisent en réponse à un environnement ou un événement. Elles vont consommer par exemple des nutriments que nous on ne peut pas digérer nous-même, et elles vont produire des vitamines ou des métabolites. Et ces métabolites peuvent stimuler les cellules du système nerveux entérique (2ème cerveau) ou passer dans la circulation sanguine et faire leur chemin jusqu’au cerveau.

La première démonstration remonte à 2004 quand une équipe japonaise montre que des animaux dépourvus de microbiote (animaux axéniques) développe une hypersensibilité au stress et à l’anxiété (1) . De plus, des études réalisées sur des souris ont montré que le transfert du microbiote de souris anxieuses vers des souris aventureuses rendent celles-ci plus craintives, et inversement. Depuis, de nombreuses études chez l’animal puis l’Homme ont confirmé et démontrer l’influence du stress sur le microbiote intestinal et inversement (2).

L’autisme a aussi fait l’objet de recherches et de nombreuses études sont actuellement en cours. Des études ont comparé les microbiotes d’enfants autistes à ceux d’enfants témoins et ont rapporté des différences significatives(3,4). La flore des enfants atteints d’autisme est moins variée et assez comparable d’un patient à l’autre. La dysbiose d’enfants autistes peut se traduire par Augmentation des Bacteroidetes et Desulfovibrio, et une diminution des Firmicutes et Bifidobacterium). Cela démontre encore une fois un lien entre le microbiote intestinal et le cerveau, ce qui permet d’en savoir plus sur ce trouble et de l’approcher d’une façon différente. Et si la clé était dans l’intestin ?

Plus récemment des études ont mis en évidence des différences notables entre la composition et la diversité du microbiote intestinal des personnes atteintes de la maladie de Parkinson et un groupe témoin. Plus récemment encore (2020), des scientifiques genevois et italiens ont apporté la preuve d’une corrélation entre le microbiote intestinal et l’apparition de plaques amyloïdes dans le cerveau, annonciatrice de la maladie d’Alzheimer dans une étude préliminaire qui ouvre la porte à un boulevard d’études complémentaires(5).


Le microbiote intestinal expliqué par Sophie Yvon - YINI

Sophie Yvon est enseignant-chercheur à l’Ecole d’ingénieurs de Purpan. Elle travaille sur l’axe intestin-cerveau et sur la nutrition, et donne également de son temps à la communication et vulgarisation scientifique, qu’elle partage sur ses réseaux, au théâtre, à la radio, en vidéo ou en conférence. Elle a par exemple évoqué le lien entre cerveau et intestin lors d’une conférence TEDx® à Lille ou dans une vidéo avec le média Brut®, « le ventre ce deuxième cerveau ». Vous pouvez la suivre sur Facebook, Twitter, et Instagram.

Références :
  1. Sudo N. et al. Postnatal microbial colonization programs the hypothalamic–pituitary–adrenal system for stress response in mice. 2004. J. Physiol. 558:263–275
  2. Moloney R. D. et al. Stress and the Microbiota-Gut-Brain Axis in Visceral Pain: Relevance to Irritable Bowel Syndrome. 2016; CNS Neurosci. Ther. 22:102–117
  3. Williams B. L., Hornig M., Parekh T. & Lipkin W. I. Application of Novel PCR-Based Methods for Detection, Quantitation, and Phylogenetic Characterization of Sutterella Species in Intestinal Biopsy Samples from Children with Autism and Gastrointestinal Disturbances. 2012; mBio 3
  4. Finegold S. M. et al. Pyrosequencing study of fecal microflora of autistic and control children. 2010; Anaerobe ; 16 :444–453
  5. Marizzoni M et al. Short-Chain Fatty Acids and Lipopolysaccharide as Mediators Between Gut Dysbiosis and Amyloid Pathology in Alzheimer’s Disease. 2020; J. Alzheimers Dis; 78:683–697

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