Alimentation durable ASN Nutrition Live 2021

Concilier santé de la planète et santé humaine : le rôle crucial de la biodiversité

La conférence en synthèse - yaourt et nutrition

Lors du congrès virtuel 2021 de la Société Américaine de Nutrition, Yogurt in Nutrition Initiative a rassemblé des scientifiques du monde entier pour une conférence en ligne sur le thème «  Balancing planetary and human health : the crucial role of biodiversity ».

L’objectif global de ce 9ème sommet est de mettre en lumière le rôle crucial de la biodiversité et du microbiome sur notre propre santé à travers le microbiote intestinal, ainsi que sur la santé de la planète à travers le microbiome du sol. Sous la co-animation enthousiaste de Sharon Donovan et Emeran Mayer, trois experts (Fabrice DeClerck, Héribert Hirt et Joël Doré) partagent leurs connaissances sur le vaste sujet de la biodiversité et de l’interconnexion entre la planète, l’Homme et la santé.

One Earth : des preuves croissantes de l’interconnexion entre la planète, l’Homme et la santé

Fabrice DeClerck (Directeur scientifique, EAT Foundation, Belgique) débute la conférence en mettant l’accent sur les interconnexions clés entre la santé de la planète et celle de l’homme et sur la nécessité d’une approche globale « One Earth ».

Pour introduire sa présentation, Fabrice DeClerck définit étymologiquement l’écologie comme « l’étude de la Maison » et présente, à ce sujet,  deux « maisons » : celle du corps humain et celle de la planète terre. Or, sur cette planète, l’homme a un grand pouvoir et ses activités ont des impacts majeurs.

Parmi ces activités, l’alimentation est l’une des relations les plus intimes que nous avons avec la nature et la santé : quelle nourriture nous mangeons ? comment et où nous la produisons ? Le fait est que cette relation est rompue : l’alimentation est devenue un facteur de dégradation de la santé. Elle est l’une des principales causes de mortalité prématurée dans le monde. Près de la moitié de la population mondiale a du mal à accéder à une nourriture suffisante ou à des aliments appropriés. La surconsommation est devenue à la fois un problème de santé et un problème environnemental car l’alimentation est également une source importante de dégradation de l’environnement.

Nous commençons à comprendre les conséquences de ces transgressions alimentaires sur le climat, la terre, l’eau mais également sur la quantité et la qualité des nutriments que nous absorbons. La diversité des aliments que nous mettons dans notre assiette diminue, nos aliments sont de plus en plus homogènes à travers le monde et, parallèlement la biodiversité mondiale, quant à elle, diminue.

Si les aliments que nous produisons et consommons ont un impact sur la biodiversité, ils affectent aussi directement deux écosystèmes qui en font partie : le microbiome du sol et le microbiote intestinal humain.

Les deux principales questions concernant le maintien de la biodiversité et la richesse de ces microbiomes sont alors les suivantes : quelles sont les sources de ces deux microbiomes ? Et comment maintenons-nous ce microbiome face à l’activité humaine ? (Impact des antibiotiques ou régimes alimentaires sur le microbiote humain ; traitements du sol, culture extensive et massive ou rotations des cultures pour les microbiomes du sol)

Une approche globale « One Earth » reconnaît fondamentalement la nature biologique de la vie sur terre, et cherche à créer des pratiques qui fonctionnent avec la nature, plutôt que contre elle. Cette approche nous permettra d’atteindre les objectifs de durabilité et de mieux reconstruire notre microbiome ainsi que celui de la planète.

À l’horizon 2030, l’objectif est d’infléchir la courbe de la biodiversité, c’est-à-dire de la préserver et de l’enrichir. En ce qui concerne les microbiomes, la question sera de savoir si nous pouvons préserver la diversité des microbiotes et de remplacer les « anti-biotiques » par des « pro-biotiques ».

Fabrice deClerck - messages clés

La diversité du microbiome intestinal : lien entre alimentation, microbiote intestinal et santé

Après ce voyage à travers la biodiversité et les écosystèmes microbiens, Joël Doré (Directeur de recherche, INRAE, France) fait un zoom sur le microbiote intestinal et son lien avec l’alimentation et la santé.

Dès la naissance, il existe une symbiose entre l’être humain et son microbiote. Ce dernier est fortement associé à la maturation de notre immunité. Le microbiote intestinal compte plus de 5 milliards de cellules (bactéries, virus, champignons, …), soit autant que nos cellules humaines.

Au fur et à mesure que les études sur le microbiote progressent, nous savons maintenant que nous partageons tous un petit ensemble d’espèces bactériennes communes et que nous hébergeons un grand ensemble unique de microorganismes. Nous nous distinguons par conséquent par notre écosystème intestinal.

Cependant, il semble que ce microbiote intestinal évolue. Tout au long de l’histoire, nous avons constaté que, malgré les progrès de la médecine et de l’hygiène, il y avait une augmentation des maladies chroniques et des maladies chroniques auto-immunes.

Ces maladies chroniques ont pour point commun d’être liées à une altération du microbiote et à une dysbiose, c’est-à-dire une perturbation de l’équilibre entre l’hôte et les microorganismes.

Les études sur les gènes du microbiome humain montrent qu’une faible diversité du microbiote intestinal (faible nombre de gènes différents, également appelé paucibiose) est associée à des caractéristiques métaboliques et inflammatoires altérées, dans les cas par exemple de l’obésité ou de maladies hépatiques…

Il est possible de corriger cette paucibiose, en cas de surpoids et d’obésité, par une alimentation riche en fibres diverses.

Pour aller plus loin, nous pouvons également agir par l’alimentation (mélange de micronutriments, probiotiques, fibres) pour restaurer la symbiose entre nous et notre microbiote.

Joel Doré - messages clés

La diversité du microbiome du sol : lien entre microbiome du sol, plante, alimentation et santé

Après ce focus sur le microbiote humain, Héribert Hirt (directeur de l’Institut de génomique végétale, INRA/CNRS, Paris, France et du Centre de l’Agriculture du Désert, KAUST, Thuwal, Arabie Saoudite) aborde le sujet innovant du microbiome du sol.

Les données récentes montrent que les microorganismes bénéfiques sont essentiels pour établir et maintenir un microbiome intestinal sain. Bon nombre de ces microorganismes bénéfiques présents dans l’intestin humain peuvent être obtenus en mangeant des aliments sains, mais la plupart des concepts actuels « d’alimentation saine » ne tiennent toujours pas compte de ces microorganismes. Une alimentation saine est principalement décrite comme étant riche en fruits, légumes et fibres. Cependant, une alimentation saine doit également être riche en microorganismes.

Les fruits et légumes en sont une source intéressante, car le sol dans lequel ils poussent en est rempli. Un gramme de sol abrite 10 trillions de cellules microbiennes et les plantes assimilent les microorganismes de leur sol, dans lequel ils sont nés et se développent.

Il est peu connu que nombre de ces microorganismes bénéfiques présents dans une alimentation saine sont également essentiels pour protéger les plantes des maladies bactériennes, fongiques et virales et que l’utilisation massive de pesticides et d’herbicides dans l’agriculture remet en cause la vie des microorganismes des plantes, du sol et donc, du microbiote intestinal.

Les pesticides affectent le microbiote intestinal ainsi que le microbiote du sol. Il est désormais clair que les pesticides ont éradiqué des espèces bactériennes et favorisé d’autres espèces, modifiant par conséquent l’équilibre du microbiote du sol. Par conséquent, sur les fruits et légumes traités, on peut retrouver des résidus de pesticides et un microbiote moins riche qu’il ne l’est pour les aliments non traités.

La clé est donc de progresser vers une agriculture du futur où nous pourrions remplacer la plupart des pesticides conventionnels. Cela conduirait indirectement à un microbiome intestinal plus sain.

Les messages à retenir :

  • Un sol sain = ressource riche en microorganismes et des plantes saines
  • Des plantes saines = de la nourriture saine
  • De la nourriture saine = ressource en microorganismes bénéfiques pour la santé = des humains sains

Selon Heribert Hirt, une alimentation saine constitue la base de la santé humaine et nous devons nous efforcer de permettre à chaque être humain sur cette planète d’avoir accès à cette alimentation saine.

 « Il est peu connu que nombre de ces microorganismes bénéfiques présents dans les aliments sains sont également essentiels pour protéger les plantes contre les maladies bactériennes, fongiques et virales » – Heribert Hirt »

Messages clés- Heribert Hirt

Comme le conclut Emeran Mayer : le symposium a abordé le concept de « one earth », la diversité du microbiome intestinal, la diversité du microbiome du sol. Ces trois discours ont en commun les interactions, la biodiversité et le rôle unique des microbes. Il est important de réaliser que :

  • Les microbiomes doivent être gérés comme des systèmes complexes globaux, et non comme un ensemble d’espèces individuelles (où les microbes interagissent avec le corps ainsi qu’avec l’environnement et où il n’y a pas de relation linéaire entre les microbes dans notre corps et nous).
  • Il existe des similitudes entre les microbiomes du sol et de l’homme, ainsi qu’entre la santé des plantes et celle de l’homme.

Si l’on met tout cela bout à bout, l’étroite interconnexion entre la santé planétaire, la santé du sol et la santé humaine appelle une attention particulière aux microbiomes.

Restez à l’écoute…. dans quelques jours, le replay video et les comptes-rendus des conférences seront disponibles en ligne.

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