Manger du yaourt, manger sainement Avis d'experts

Les bénéfices du yaourt et le besoin d’une alimentation équilibrée par Marie-Caroline Baraut

Interview Marie-Caroline Baraut

Lors de la 56è édition des Journées d’Étude de l’AFDN, Marie-Caroline Baraut (diététicienne nutritionniste, auteur et enseignante en nutrition et régimes) a présenté de façon détaillée les bénéfices liés à la consommation du yaourt. Effet probiotique, apport en calcium, prévention du diabète du type 2 : cette interview est l’occasion pour elle de s’exprimer sur les points essentiels de cette présentation détaillée.

Quels sont pour vous les bénéfices majeurs associés à la consommation régulière du yaourt ?

Les avantages majeurs liés à la consommation du yaourt, comme le montrent de nombreuses études,  sont les effets bénéfiques de ses ferments et leur rôle probiotique. Plus spécifiquement, c’est l’effet bénéfique du yaourt sur la régulation du transit intestinal que je trouve intéressant.

Le yaourt peut, par la présence de ses ferments, jouer un rôle barrière et ainsi aider à prévenir la multiplication des micro-organismes pathogènes. Ce bénéfice est lié à ses deux ferments spécifiques : Lactobacillus bulgaricus et Streptococcus thermophilus qui cohabitent de manière très intéressante comme nous l’avons vu durant le symposium.

J’aime raconter en cours à mes étudiants pour que ce soit percutant et qu’ils s’en souviennent  que c’est une belle histoire d’amour entre ces deux ferments car ils cohabitent en symbiose. Ils ont besoin l’un de l’autre pour bien se développer ! De plus, de par la fermentation des substrats au niveau du côlon, le yaourt peut avoir un rôle très intéressant à jouer dans la maturation du système immunitaire de l’épithélium intestinal.

Il a été démontré depuis fort longtemps l’effet bénéfique d’un apport régulier de yaourt sur les troubles fonctionnels intestinaux (TFI). Souvenez-vous du fondateur de la célèbre marque de yaourt, dont l’épouse souffrait de TFI et qui à, l’époque, il y a plus d’un siècle donc, a rencontré un fabricant de yaourt bulgare qui lui a conseillé la consommation de yaourt et ainsi soulagé son épouse ! C’est grâce à cette rencontre que la recherche sur le yaourt a débuté avec Isaac Carasso.

Se souvient-on que le yaourt fût, au début du XXème siècle, prescrit et vendu par les pharmaciens en raison de ces vertus ?

Nous pourrions développer bien davantage des effets bénéfiques d’une consommation régulière, que ce soit sur les diarrhées, sur les transits lents…

On sait, également, qu’il existe un lien de plus en plus clair entre une consommation régulière de yaourt (environ 80g par jour) et la santé, notamment une diminution du risque de diabète de type 2. Quand on sait qu’un yaourt pèse 125g ce n’est vraiment pas énorme pour un bénéfice aussi intéressant!

La consommation régulière de yaourt présente aussi des avantages nutritionnels très intéressants. Elle permet de couvrir les besoins en calcium, de garantir un bon apport en protéines de bonne valeur biologique, ainsi qu’un bon coefficient d’utilisation digestive à un prix très raisonnable.

Enfin le yaourt, c’est facile ! Manger un yaourt c’est pratique ! Il suffit de le mettre dans son réfrigérateur. Pas de préparation, c’est immédiatement consommable. Le yaourt a de bonnes qualités organoleptiques : après tout, qui n’aime pas le yaourt ? Rares sont les individus qui n’en consomment pas. Même si les hommes en sont un peu moins adeptes que les femmes selon les études de consommation récentes. Et quel enfant n’aime pas les yaourts ?

Je pense aussi qu’il peut représenter un bon apport de protéines, de calcium chez la personne âgée. Sans oublier qu’il contient 80 à 90 % d’eau ! Un apport hydrique supplémentaire chez des personnes susceptibles de se déshydrater. Et je passe sur l’apport en vitamines…

Je trouve fort dommage que les atouts des autres souches utilisées pour réaliser d’autres laits fermentés ne soient pas davantage communiqués au grand public. Je me suis penchée sur les dernières études réalisées par les experts et les bénéfices pour la santé de ces différents ferments sont clairement identifiés.

Un inconvénient des ferments du yaourt… Les ferments ne s’implantent pas. Il faut donc une consommation quotidienne pour bénéficier de ses atouts nutritionnels.

Quelle place accordez-vous au yaourt dans un repas équilibré ?

Le yaourt c’est LE produit laitier dans un repas, il y a toute sa place mais il ne remplace pas le dessert. Si vous vous passez de dessert dans un repas, c’est-à-dire le plus souvent du fruit, alors vous enlevez des fibres, des vitamines et des minéraux très intéressants sur le plan nutritionnel.

Le yaourt n’est pas un dessert, sa place est celle du produit laitier du repas.

On observe une diminution de la consommation de produits laitiers en France. Pour moi, cette diminution est liée à la pratique du “plat unique”.  Les repas se simplifient de plus en plus pour ne plus consister qu’en une combinaison « plat et dessert ». Ce sont des repas incomplets. Pas bien grave si ce n’est pas régulier. L’équilibre alimentaire ne se construit pas sur un repas.

La simplification du repas résulte souvent du manque de temps, ou d’une méconnaissance de l’équilibre alimentaire. Cette diminution de consommation de produits laitiers, tant de yaourt que de lait,  se constate notamment chez les enfants et notamment au petit déjeuner. Non seulement les enfants diminuent leur consommation de lait au petit déjeuner, mais ils sautent souvent purement et simplement ce repas important pour démarrer la journée, surtout pour un organisme en pleine croissance.

J’ai quatre enfants et il y a toujours des yaourts dans mon réfrigérateur. J’encourage d’ailleurs la consommation de yaourt autour de moi, pour l’utilité de ses ferments que nous avons rappelée, pour la qualité protéique et la présence de calcium très bien absorbé sous cette forme. De vrais atouts nutritionnels.

Le yaourt a-t-il un rôle à jouer en matière de santé publique ?

Oui et nous pouvons mettre en avant le fait que le yaourt représente un élément important de l’équilibre nutritionnel. Il a toute sa place en tant que laitage au sein d’un repas équilibré.

Le yaourt a bien entendu toute sa place pour la couverture des besoins en calcium. On en trouve ailleurs bien sûr !  Dans les végétaux ou dans certaines eaux minérales par exemple. Mais celui des produits laitiers a la particularité d’être très bien utilisé par notre organisme, par notre muqueuse intestinale et contribue ainsi aux besoins des organismes en pleine croissance ou à apporter le calcium nécessaire à certaines périodes de la vie (grossesse, allaitement, vieillissement).

Ce qui me semble très intéressant, c’est que le yaourt a encore de nombreuses choses à révéler. Nous n’en sommes qu’au début de la recherche sur les probiotiques.

Quel est pour vous l’élément central pour une alimentation saine ?

C’est l’équilibre nutritionnel dans son ensemble qui compte, c’est-à-dire l équilibre alimentaire dans la durée. Il ne faut pas  se concentrer sur un seul aliment et surtout se détendre par rapport à l’alimentation.

Les discours “anti-”, anti-gluten, anti-produits laitiers sont souvent des discours culpabilisants avec une pointe de prosélytisme. Il y a un dérapage qui perturbe souvent les informations nutritionnelles de santé publique. Nous sommes souvent face à ce que j’appelle une « cacophonie nutritionnelle » où le consommateur est perdu, ne sachant plus qui croire.

Les informations, parfois fausses, circulent vite sans aucun filtre ou explication. Il faut faire preuve de pondération et revenir au bon sens.

Je parle souvent de ma mère ou ma grand-mère à mes étudiants. Lorsque j’étais petite, à la maison, nous avions des repas structurés avec une entrée de crudités ou un potage le soir, un plat, une part de fromage ou un yaourt et un fruit souvent pour terminer le repas qui était accompagné de pain. Les fruits et légumes étaient de saison. Nous ne trouvions pas de fraises en hiver !

Les repas se passaient à table, sans télévision allumée, et sans téléphone portable qui n’existaient pas à cette époque. Un repas en commun, c’est bien plus que « manger ». C’est un moment de partage en famille ou avec des amis. Je suis souvent attristée par les témoignages d’enfants qui disent manger seuls ou devant la télévision. Parenthèse d’échanges tranquilles, tout relatif avec les enfants ! (rires) Parenthèse précieuse.

Je suis convaincue que c’est précisément dans ce contexte qu’il est de notre rôle, nous, diététiciens nutritionnistes et professionnels de santé de faire passer des messages.

N’oublions pas que la gastronomie française est inscrite au patrimoine de l’Unesco. Cette prise de repas à table, conviviale, est un moment important de notre équilibre et pas seulement alimentaire.

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