15 Nov 2018
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Alimentation saine et équilibrée

Apports en sucres et principaux contributeurs dans la population française

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Évaluée par une analyse des données de l’enquête représentative INCA 2, la consommation des Français de sucres ajoutés et de sucres libres est élevée et excède le niveau recommandé par l’Organisation Mondiale de la Santé chez les enfants et les adolescents. Les produits sucrés et les boissons sont les principaux contributeurs aux apports de sucres totaux et libres. Les fruits, légumes et produits laitiers, quant à eux, contribuent plus aux apports de sucres totaux qu’à ceux de sucres libres. De telles données pourraient être utilisées afin de définir des mesures de santé publique.

La lutte contre l’excès de sucres dans l’alimentation est aujourd’hui considérée comme une priorité de santé publique, justifiée par l’augmentation des risques de pathologies (caries dentaires, surpoids, maladies cardiovasculaires et métaboliques) observée chez les forts consommateurs. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande une consommation de sucres libres inférieure à 10 % de l’apport énergétique total, ce qui génère de multiples réflexions sur les mesures à mettre en place pour atteindre cet objectif (1). L’adoption de politiques efficaces implique une bonne connaissance du niveau de consommation et de ses caractéristiques. Concernant la France, les données de l’enquête représentative de l’étude INCA2 ont été retraitées, afin de préciser les apports en sucres totaux, en sucres ajoutés et en sucres libres. Les teneurs en sucres ajoutés ou libres ne figurant pas dans les tables de composition, ont été approchées à partir de recettes moyennes fournies par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et des teneurs en sucres des ingrédients bruts fournies dans les tables ou par expertise nutritionnelle. Des analyses ont été réalisées selon l’âge, le niveau d’éducation du chef de famille et le niveau social.

  • Le terme « sucres » est conventionnellement utilisé pour décrire les mono- et disaccharides (à l’exclusion des polyols), le « sucre » (au singulier) ne représentant que le saccharose.
  • Les « sucres ajoutés » sont les mono- et les disaccharides ajoutés aux aliments et aux boissons par le fabricant, le cuisinier ou le consommateur.
  • Les « sucres libres » comprennent les sucres ajoutés, ainsi que les sucres naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les concentrés de jus de fruits.
  • Les « sucres intrinsèques » sont les sucres naturellement présents dans les aliments, notamment dans les fruits et légumes, ainsi que dans le lait et ses dérivés.
  • Les « sucres totaux » correspondent à l’ensemble des sucres présents, quelle que soit leur origine.

Nomenclature des sucres d’après l’OMS et l’Afssa.

Des apports en sucres libres trop élevés chez les enfants et les adolescents

Les apports en sucres totaux sont de l’ordre de 90 à 95 g par jour, chez les enfants comme chez les adultes. Les sucres totaux contribuent ainsi aux apports énergétiques de façon décroissante avec l’âge : 23,2 % chez les jeunes enfants et 16,4 % chez les adultes (voir Tableau 1). Le caractère transversal de ces données ne permet pas d’évaluer dans quelle mesure l’effet de l’âge est principalement dû à des différences d’habitudes alimentaires dans les tranches d’âge considérées ou bien s’il s’accompagne d’un effet de génération, qui pourrait conduire les enfants et adolescents forts consommateurs de sucres à maintenir cette préférence à l’âge adulte et donc à consommer plus de sucres que leurs parents au même âge.

L’effet de l’âge est encore plus marqué lorsque l’on considère les sucres ajoutés et les sucres libres : les sucres ajoutés sont consommés en moins grande quantité et contribuent moins aux apports énergétiques chez les adultes (45,4 g par jour, soit 8 % de l’énergie quotidienne) que chez les enfants de 7 à 11 ans (59,5 g par jour, soit 12,8 %). Chez les enfants et les adolescents, la consommation de sucres ajoutés, comme celle des sucres libres, dépasse la recommandation de l’OMS.

A tout âge, les quantités de sucres consommées sont significativement plus importantes chez les garçons et les hommes que chez les filles et les femmes, ce qui est à mettre en rapport avec des apports énergétiques plus élevés. Les niveaux de consommation de sucres en fonction du niveau d’éducation du chef de famille ne montrent pas de différences significatives quel que soit l’âge ou le type de sucres. Quel que soit l’indicateur utilisé, le niveau social ne paraît pas affecter la consommation de sucres ni leur contribution à l’apport énergétique chez les adultes. En revanche, les enfants des catégories socioprofessionnelles supérieures consomment significativement plus de sucres totaux, mais pas plus de sucres libres. Ils ont donc un apport de sucres intrinsèques (fruits, produits laitiers…) plus élevé.

Il est délicat de comparer les niveaux d’apports entre les différents pays européens, les caractéristiques des enquêtes étant variables. Néanmoins, dans tous les pays pour lesquels des données sont disponibles (Grande-Bretagne, Pays-Bas, Irlande, Danemark, Norvège, Hongrie et France), les enfants consomment plus de sucres que les adultes en proportion de l’ingéré énergétique et les sucres ajoutés représentent une part plus importante des sucres totaux chez les enfants que chez les adultes. Ainsi pour la France, les sucres ajoutés représentent environ 50 % des sucres totaux chez les adultes et 61 % chez les enfants et adolescents. La prise en compte des sucres libres augmente ce pourcentage d’environ neuf points. Cette proportion élevée justifierait de cibler les sucres ajoutés pour agir sur l’apport total en sucres.

CND - Apports en sucres - tableau 1Apports en sucres de la population française
Tableau 1 : Apports en sucres de la population française. D’après les données de l’enquête représentative INCA 2 (2006-2007) (2). P1 : value de l’effet genre obtenue par modèle linéaire généralisé prenant en compte la méthode d’échantillonnage d’INCA 2 ainsi que les pondérations nécessaires à la représentativité des populations. SD : déviation standard

Les produits sucrés et les boissons, premiers contributeurs aux apports de sucres totaux et libres

apports en sucres de l'alimentation

Environ 90 % des sucres, qu’ils soient totaux, libres ou ajoutés, sont apportés par cinq groupes d’aliments : fruits et légumes, produits laitiers (lait, yaourts et autres laits fermentés…), desserts laitiers et entremets, produits sucrés (biscuits, viennoiseries, pâtisseries, chocolats…) et boissons (jus de fruits, nectars, boissons rafraîchissantes sans alcool, boissons chaudes…) (voir Figure 1).

Les produits sucrés sont les contributeurs les plus importants : ils apportent environ un tiers des sucres totaux, quel que soit l’âge et pour les sucres ajoutés, le pourcentage atteint près de 50 % chez les enfants et adolescents et plus de 60 % chez les adultes. Les bonbons et chocolats sont de gros contributeurs au sein de cette catégorie fournissant environ 20 % des sucres ajoutés chez les enfants et 35 % chez les adultes. Les biscuits et pâtisseries sont également de forts contributeurs apportant environ 22 % des sucres ajoutés, quel que soit l’âge.

Les boissons apportent de 17 à 24 % des sucres totaux et sont les deuxièmes contributeurs aux apports en sucres ajoutés ou libres dans toutes les classes d’âge. Les boissons rafraîchissantes (sodas) ont une contribution plus importante aux apports en sucres chez les adolescents que chez les adultes ou les enfants. Les jus et nectars de fruits contribuent à environ 8, 9 et 6 % des apports en sucres totaux des enfants (3-6 ans et 7-11 ans), adolescents et adultes, respectivement. Conformément à la réglementation, les jus de fruits ne contiennent pas de sucres ajoutés : leurs sucres sont comptabilisés en tant que sucres libres et contribuent à hauteur de 9 à 12 %.

Les produits céréaliers, dont la part est plus modeste, contribuent plus aux apports en sucres des enfants et adolescents, en particulier en sucres ajoutés ou libres, qu’à ceux des adultes. Cela est surtout dû à une plus grande consommation de céréales de petit-déjeuner par les plus jeunes, qui fournissent 7 à 8 % des sucres ajoutés chez les enfants et adolescents.

Les fruits, légumes et produits laitiers, plus grands contributeurs aux apports de sucres totaux qu’à ceux de sucres ajoutés ou libres

Les produits laitiers se classent au troisième rang des contributeurs aux apports en sucres, à l’exception des apports en sucres totaux chez les jeunes enfants (deuxième rang). Ils contribuent proportionnellement plus aux apports de sucres totaux (12 à 22 %) qu’à ceux de sucres ajoutés ou libres (6 à 12 %), en raison de la présence naturelle dans le lait de lactose (un disaccharide), à hauteur de 4,5 g pour 100 ml. Le lait fournit 10 % des sucres totaux chez les enfants (expliquant cette place de deuxième contributeur) et 4,5 % chez les adultes, qui en consomment moins. Les yaourts et autres laits fermentés, fromages blancs et petits-suisses apportent de 5 à 11 % des sucres selon la classe d’âge et le type de sucres.

Un autre contributeur important est le groupe des desserts lactés et entremets, qui apporte 4 à 6 % des sucres totaux et 7 à 10 % des sucres ajoutés. Ces produits sont souvent riches en sucres et peuvent être confondus par les consommateurs avec les yaourts et autres laits fermentés.

Les fruits et légumes contribuent environ deux fois plus aux apports en sucres totaux des adultes (23 %) qu’à ceux des enfants et des adolescents (12 à 15 %). Les fruits (mais pas les légumes) fournissent moins de 6% des sucres ajoutés ou libres quelle que soit la classe d’âge.

On constate que certains groupes d’aliments contribuent proportionnellement plus aux apports en sucres ajoutés qu’aux apports en sucres totaux : c’est le cas des produits sucrés et pour les enfants, des produits céréaliers. D’autres groupes contribuent proportionnellement moins aux apports en sucres ajoutés qu’aux apports en sucres totaux : c’est le cas des fruits et légumes et des produits laitiers.

CND - YINI Contributeurs aux apports en sucres
Figure 1 : Contributeurs aux apports en sucres dans la population française, en %. D’après les données de l’enquête représentative INCA 2 (2006-2007).

Conclusion 

L’interprétation des données ci-dessus doit tenir compte de quelques limites, dont l’une est l’ancienneté de l’étude INCA 2, menée en 2006. L’image du sucre et des produits en contenant a beaucoup évolué ces dernières années et peut avoir modifié les perceptions et consommations. En outre, en l’absence de méthode analytique permettant de différencier les origines des sucres, la teneur en sucres ajoutés ou libres des produits ne peut qu’être estimée à partir des recettes ou des liste d’ingrédients. Au vu de ces résultats, néanmoins, la volonté des pouvoirs publics de réduire les apports en sucres ajoutés ou libres paraît pertinente et il semble logique de faire porter les efforts de diminution de la consommation de sucres ajoutés sur les principaux contributeurs. A titre d’exemple, les autorités britanniques ont récemment publié les résultats de simulations, montrant qu’une diminution de 50 % de la teneur en sucres des sodas réduirait de plus de 14 % l’apport en sucres des adolescents ; alors qu’une diminution identique du sucre ajouté dans les produits laitiers ultra-frais (yaourts, laits fermentés et desserts lactés) ne conduirait qu’à une réduction de 1,2 % . Un travail similaire pourrait être réalisé en France, sur la base des données plus récentes de l’étude INCA 3, en cours de publication.

Références :

Pour en savoir plus, lisez l’article original Azaïs-Braesco V. , Maillot M. Apports en sucres et principaux contributeurs dans la population française. Cahiers de Nutrition et de Diététique. 2017 ; 52 (S1) : S58-S65.