23 Avr 2019
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Alimentation et microbiote : entretien avec Mathilde Gibeaux, diététicienne-nutritionniste

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Mathilde Gibeaux est diététicienne nutritionniste libérale à Neuilly/Marne. Sa mission : transmettre ses connaissances en nutrition et guider les patients pas à pas pour une alimentation de qualité et adaptée aux modes de vie. Elle préside aussi lassociation Miam pour sensibiliser les Français à la nécessité de consommer des fruits et légumes de saison au quotidien.

Mathilde anime régulièrement des ateliers auprès des visiteurs durant l’exposition « Microbiote » à la cité des sciences et de l’industrie. A cette occasion, nous avons eu l’occasion de lui poser quelques questions. 

Est-ce que les personnes que vous avez rencontrées lors de l’exposition, ou bien vos patients, vous parlent de microbiote ?

De manière générale, j’ai l’impression que le microbiote n’est pas encore bien connu du grand public. C’est plutôt moi qui vais prendre l’initiative de leur en parler et souligner l’importance de cet organe méconnu. Souvent, les gens ne se rendent pas compte qu’ils ont en eux beaucoup de bactéries bénéfiques pour leur santé. Je leur explique ce que sont ces bactéries, le rôle qu’elles peuvent jouer, et surtout pourquoi il est essentiel de savoir comment les nourrir et en prendre soin. Mon but est qu’ils prennent conscience qu’ils hébergent de nombreuses bactéries, et que notre corps est une sorte de colocation, dans laquelle on doit apprendre à vivre ensemble. C’est un pacte à vie : si ces bactéries sont là pour nous faire du bien, il faut nous aussi en prendre soin.

Les patients découvrent également que leur microbiote se constitue de la naissance jusqu’à l’âge de 7 ans et qu’il est propre à chacun.

On parle de plus en plus du microbiote, mais nous sommes encore au tout début de son exploration et de l’étude de son fonctionnement. Il existe par ailleurs de nombreux éléments à prendre en compte pour essayer d’évaluer le microbiote d’un patient. La prise d’antibiotiques répétée, la cigarette, l’alcool sont des facteurs qui vont appauvrir notre microbiote… Dès le premier rendez-vous je fais un bilan des habitudes de vie de mes patients : cela me permet d’avoir une idée de l’état de leur microbiote.

« À mon avis, c’est un domaine qui pour l’instant intéresse principalement les professionnels. L’exposition « Microbiote » de la Cité des Sciences va permettre de donner au grand public un bon nombre d’éléments sur nos connaissances actuelles, et va ainsi très certainement contribuer à la prise de conscience de l’importance du microbiote. »

Selon vous, notre alimentation a-t-elle un impact sur notre microbiote ? Et, si oui comment ? Que signifie « prendre soin de son microbiote » ?

Sans hésitation, oui, notre alimentation a un impact sur notre microbiote !

Prenons l’exemple des légumes. Plusieurs études ont montré que les Français ne mangent pas assez de fibres : Alors qu’il est recommandé d’avoir un apport quotidien de 30 g par jour, en France, la moyenne est à 15-20 g seulement.. Or l’apport en fibres est clé pour la santé de tous, notamment parce qu’elles nourrissent les bonnes bactéries et aident donc au développement de notre microbiote. C’est ce que l’on nomme l’effet prébiotique. C’est d’ailleurs pour cette raison que notre association – Miam – fait la promotion de la consommation de fruits et légumes.

Certains aliments fermentés, comme les yaourts, contiennent des bactéries différentes, des probiotiques. Ce sont des micro-organismes vivants qui, lorsqu’ils sont ingérés en quantité suffisante, exercent des effets positifs sur la santé, au-delà des effets nutritionnels traditionnels. J’essaye d’apprendre à mes patients la différence entre les prébiotiques et les probiotiques.

Généralement, lorsque je demande à mes patients s’ils connaissent des aliments fermentés, ils répondent tout de suite le yaourt. C’est un produit qui est très consommé et dont les effets probiotiques démontrés, sont intéressants pour le microbiote intestinal.

Quelle est la composition d’une assiette pour prendre soin de son microbiote ?

Avant de parler d’aliment en particulier, le plus important est de faire comprendre qu’il faut varier son alimentation et respecter l’équilibre alimentaire : trois repas par jour, plus ou moins une collation selon la population concernée. Pour qu’un repas soit équilibré, il faut une assiette composée de légumes, de féculents et de protéines. Ensuite, on ajoute un produit laitier comme un morceau de fromage ou un yaourt. La tradition française veut que l’on finisse par quelque chose de sucré. Dans ce cas, si l’on a encore faim, il faut privilégier un fruit cru ou cuit.

Pour l’apport en fibres, je recommande de privilégier les céréales complètes comme les pâtes, le riz, le pain. Ces aliments vont aussi permettre d’être plus vite rassasié. Les fibres ont vraiment cette influence sur la satiété, elles permettent d’avoir moins faim et d’éviter de grignoter entre les repas. De plus, comme vu précédemment, elles ont un effet prébiotique bénéfique à notre microbiote.

Les produits laitiers, parmi lesquels le yaourt, vont quant à eux permettre d’intégrer des aliments fermentés aux repas et ainsi enrichir le microbiote avec de nouvelles bactéries. Je me sers des habitudes alimentaires de mes patients etfais attention à leur consommation de produits laitiers. Au-delà de leurs atouts sur le microbiote, ils sont une source importante de calcium et il est essentiel de le rappeler. En effet, le calcium que l’on trouve dans les produits laitiers à une meilleure biodisponibilité que celui des végétaux, il est absorbé de manière plus efficace.

Il faut aussi rappeler que chez les adultes il est nécessaire de consommer deux produits laitiers par jour. Chez les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes ou allaitantes cela peut aller de trois à quatre produits laitiers par jour.

D’après mon expérience il est assez facile de proposer du yaourt ou du fromage à mes patients. Bien sûr, lorsqu’ils n’aiment pas ça, je m’adapte. Des eaux minérales ou des boissons végétales enrichies en calcium peuvent aussi être de bonnes alternatives.

Comment est-ce que vous recommandez à vos patients d’intégrer ces produits-là dans leur alimentation ?

Que ce soit au moment d’un repas ou d’une collation, le moment de la journée importe peu, tant que l’on en mange. C’est pourquoi je propose des recettes pratiques, régulièrement mises à disposition sur le site de mon association.

Par exemple, j’avais fait un smoothie avec des fruits de saison et du yaourt. Le yaourt du smoothie va atténuer l’apport en sucre de la grande quantité de fruits utilisée. L’intérêt principal de cette recette est de coupler un produit fermenté avec des fruits. (Retrouvez toutes les recettes miam de smoothies)

J’ai d’autres recettes sous forme de desserts, avec un tiramisu par exemple, le mascarpone va apporter les ferments. Le but est de trouver des recettes gourmandes, car l’alimentation c’est surtout beaucoup de plaisir.

Notre mission chez « Miam » est de trouver des recettes faciles et sympas, qui plaisent, qui contiennent des fruits et légumes ; ainsi que des produits fermentés.