Alimentation durable

Qu’est-ce qu’une alimentation durable ?

qu’est-ce qu’une alimentation durable et pourquoi en avons-nous besoin ? - YINI

Manger pour protéger notre santé et notre planète : un nouveau domaine de recherche émerge et concerne les liens indissociables entre alimentation, santé et environnement.1  Enthousiaste et motivé pour explorer ces développements rapides et découvrir comment notre alimentation peut contribuer à la fois à notre propre santé et à la préservation de notre planète, nous vous proposons un aperçu de ces développements majeurs et du débat scientifique qui les accompagne.
Vous trouverez ici des questions & réponses basées sur les données scientifiques les plus récentes.

La question d’aujourd’hui est la suivante : Qu’est-ce qu’une alimentation durable et pourquoi en avons-nous besoin? 

En 2015, l’Accord de Paris sur le Climat a réuni de très nombreux pays des cinq continents dans une dynamique positive afin d’avoir un réel impact sur les populations de la planète et de dessiner un avenir meilleur.1 Depuis lors, les connaissances scientifiques sur la façon d’atteindre les objectifs de durabilité ont progressé à pas de géant. Elles soulignent le rôle d’une alimentation durable pour contribuer à protéger notre santé et notre planète. Mais combien d’entre nous savent ce qu’est réellement une alimentation durable ?
Voici la première question de notre série consacrée à l’examen des liens entre ce que nous mangeons, notre santé et notre planète. Nous plaçons l’alimentation durable sous les feux des projecteurs et nous réfléchissons à son importance pour nous-mêmes et pour les générations à venir.

Qu’est-ce qu’une alimentation durable et pourquoi en avons-nous besoin?

Selon les Nations Unies, la « durabilité » est la capacité de chacun à bien vivre en prenant en compte les limites environnementales de la Planète Terre.2 Les aliments que nous consommons, la façon dont ils sont produits, transportés, conditionnés et gérés – jusqu’à finir sur nos tables – ont un rôle majeur à jouer dans la perspective de limiter les dommages environnementaux. Lorsque l’on évoque un « mode de vie durable », il est habituel et facile de se focaliser sur l’impact environnemental de la production alimentaire. En effet, certains définissent « l’alimentation durable » uniquement sur la base de préoccupations environnementales. Mais le consensus parmi les experts est que l’alimentation durable est bien plus que cela.

La définition de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, 2010) est la suivante :

« Les régimes alimentaires durables sont des régimes alimentaires ayant de faibles conséquences sur l’environnement, qui contribuent à la sécurité alimentaire et nutritionnelle ainsi qu’à une vie saine pour les générations actuelles et futures. Les régimes alimentaires durables contribuent à protéger et à respecter la biodiversité et les écosystèmes, sont culturellement acceptables, économiquement équitables et accessibles, abordables, nutritionnellement sûrs et sains, et permettent d’optimiser les ressources naturelles et humaines.»3

C’est un défi de taille que de concilier les exigences d’un environnement durable et celles d’une alimentation saine. Une alimentation durable doit fournir les nutriments dont nous avons besoin en respectant nos écosystèmes, sans épuiser nos ressources naturelles et parallèlement elle doit protéger et améliorer notre santé et éviter le développement de maladies. Pour être optimales sur le long terme, les alimentations durables doivent être adaptées aux cultures et aux habitudes alimentaires locales et être une source de plaisir, de convivialité et de partage. Et surtout, elles doivent être savoureuses ! Il n’est donc pas surprenant que les scientifiques et les politiques s’attaquent à la lourde tâche d’identifier les meilleures alimentations durables pour répondre à toutes les exigences que les populations attendent. Même si les solutions idéales n’ont pas encore été identifiées, des avancées ont été réalisées grâce à des études novatrices explorant les options alimentaires. C’est ainsi qu’un organisme spécialisé, la commission EAT-Lancet a indiqué les premières étapes pour s’attaquer à ce défi. D’autres approches novatrices ont proposé des initiatives pour un avenir plus durable. Les principales conclusions seront présentées dans le prochain volet de notre série de Q&R.

« Les alimentations durables sont protectrices et respectueuses de la biodiversité et des écosystèmes, sont acceptables culturellement, accessibles, économiquement équitables et abordables. Elles sont nutritionnellement correctes, sûres et saines, tout en optimisant les ressources naturelles et humaines. » – Burlingame & Dernini S, FAO 20103

Pourquoi nous préoccuper d’avoir une alimentation durable ?

Les tendances alimentaires actuelles combinées à la croissance de la population mondiale (le nombre de personnes sur la Terre devrait atteindre près de 10 milliards d’ici 2050)4 majoreront inéluctablement les risques pour les individus et pour la planète. Le fardeau mondial des maladies non transmissibles devrait s’alourdir et les effets de la production alimentaire sur les émissions de gaz à effet de serre, la pollution à l’azote et au phosphore, la perte de la biodiversité et l’utilisation de l’eau et des terres réduiront la stabilité de l’écologie de la Planète.

D’ores et déjà, plus de 820 millions de personnes dans le monde souffrent de la faim alors qu’un même nombre mange trop 5 et, qui plus est, consomme une alimentation de mauvaise qualité (pas assez de micronutriments – vitamines et minéraux – ou trop d’aliments riches en calories).

C’est pourquoi nous devons tous prendre des mesures pour avoir une alimentation durable, en travaillant ensemble pour transformer notre alimentation et le système que nous utilisons pour la produire – le « système alimentaire ».

« Une transformation radicale du système alimentaire mondial est absolument nécessaire. » – EAT-Lancet 20196

Comment notre système alimentaire est-il lié à l’environnement ?

Le trajet que les denrées alimentaires effectuent pour parvenir jusque dans nos assiettes consomme de l’énergie. Cette consommation énergétique est loin de se limiter à la production agricole mais inclue l’énergie liée au transport, à la transformation, au conditionnement, à la distribution, à la vente au détail et à la préparation. Même l’élimination des déchets alimentaires consomme de l’énergie. Tous ces éléments du système alimentaire produisent des gaz à effet de serre qui contribuent au changement climatique. Et dans ce cercle vicieux, le réchauffement mondial peut encore accroître les conséquences sur l’environnement déjà mis à mal par de notre consommation alimentaire.

Le système alimentaire actuel ne permet pas d’atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, ratifié par 195 pays, qui s’engagent à maintenir l’augmentation de la température mondiale à un niveau bien inférieur à 2 °C.7 Mais des résultats prometteurs émergent d’études suggérant que nous pouvons transformer notre système alimentaire pour réduire son impact sur l’environnement et peut-être contribuer à limiter le réchauffement mondial.6-10

Quelle est la part de ce que nous consommons dans notre empreinte carbone ?

Environ le quart de nos émissions de carbone provient de notre production alimentaire.11 Celle-ci représente également 70 % de l’utilisation d’eau douce12 et elle est le principal responsable de la perte de la biodiversité mondiale.8

Les produits d’origine animale ont tendance à générer des émissions de carbone plus élevées que les aliments d’origine végétale, la production bovine étant à ce titre particulièrement préoccupante. Selon le World Resources Institute, le bœuf utilise plus de terre et d’eau douce et génère plus d’émissions de gaz à effet de serre par unité de protéines que tout autre aliment de consommation courante.13 Les ruminants – principalement les bovins – sont responsables de près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre générés par la production agricole. Compte tenu de l’impact sur l’environnement de la demande croissante de bœuf, la réduction de sa consommation devrait jouer un rôle majeur pour limiter l’élévation de la température mondiale à 1,5 ou 2 °C, conformément à l’Accord de Paris sur le climat.

Pour les produits laitiers, en revanche, les études suggèrent qu’ils pourraient avoir un impact sur l’environnement beaucoup plus faible que la viande. En termes d’émissions mondiales totales de gaz à effet de serre, le secteur laitier ne représente que 2,9 % contre 14,5 % pour l’ensemble de la production animale.14

Il pourrait être facile d’oublier que certains fruits et légumes exotiques fragiles qui sont transportés par avion à travers le globe sont associés à des émissions de gaz à effet de serre plus élevées que les aliments produits localement comme les produits laitiers, en raison de l’énergie utilisée au cours de leur transport.

Comment travailler à un avenir meilleur ? 

La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons changer le monde au travers de ce que nous mangeons et de la façon dont nous produisons et gérons la nourriture. Les chercheurs ont estimé qu’en changeant les régimes alimentaires actuels, les émissions de gaz à effet de serre générées par l’alimentation pourraient être réduites de près de 50 %.15,16 Changer les pratiques agricoles pourrait permettre d’autres réductions de ces émissions.6,10

Ce qui reste incertain, c’est la meilleure façon d’y parvenir. Il ne suffit pas de diminuer la part des produits d’origine animale dans notre alimentation. Pour qu’une alimentation soit durable, elle doit concilier les gains environnementaux obtenus grâce au changement de la composition de notre alimentation avec la nécessité de consommer une alimentation saine et agréable qui apporte tous les nutriments dont nous avons besoin. Par ailleurs, les choix que nous faisons en termes de pratiques agricoles (locales, saisonnières, organiques, commerce équitable, etc.) peuvent faire une différence supplémentaire considérable.

Comment rendre notre système alimentaire plus durable ?

Un système alimentaire durable est déterminé par la productivité agricole, la diversité de l’approvisionnement alimentaire, l’accessibilité de l’alimentation pour les consommateurs et l’utilisation des ressources naturelles pour l’agriculture.17

Des études récentes indiquent trois voies principales vers un système alimentaire durable qui garantisse une alimentation saine pour une population toujours croissante tout en préservant les ressources naturelles :

  • Modifier les habitudes alimentaires – Augmentation des aliments d’origine végétale et diminution des aliments d’origine animale, notamment la viande rouge, tout en maintenant une alimentation saine équilibrée ;
  • Réduction des pertes et gaspillages alimentaires ;
  • Modification des modes de production et de gestion – cela signifie plus de modes d’élevage respectueux de l’environnement, en évitant l’extension de l’agriculture sur de nouvelles terres, telles que les forêts, et en préservant la biodiversité.

Comment identifier les alimentations durables pour l’avenir ?

Des études très innovantes s’efforcent de modéliser les alimentations durables de demain afin d’identifier les voies qui peuvent aider à produire des aliments sains et nutritifs pour nourrir une population en croissance, tout en respectant les limites environnementales. Le rapport de l’EAT-Lancet fixe des objectifs scientifiques pour une production alimentaire durable dans le monde et la détermination d’un cadre pour les actions que nous devons engager immédiatement afin de protéger notre santé et celle de la planète.6 Même s’il a été en partie remis en cause,18 le rapport de l’EAT-Lancet représente une étape importante pour guider les changements nécessaires au niveau mondial.

D’autres études de référence qui contribuent à indiquer les voies vers un avenir durable se sont intéressées à une production alimentaire plus respectueuse de l’environnement9,10 et aux différents types d’alimentation qui pourraient prévaloir de manière durable au niveau local et régional7,8.

En résumé: Peut-on inverser la tendance ?

L’un des défis majeurs auxquels le monde d’aujourd’hui est confronté est le suivant : Comment nourrir la population mondiale toujours plus nombreuse et toujours plus aisée avec une alimentation qui non seulement soit bénéfique pour la santé mais qui limite la pression sur notre environnement.
Le problème a été reconnu par tous les pays signataires de l’Accord de Paris sur le climat et, en réponse, des études novatrices apportent des éclairages importants sur la façon dont nous pouvons façonner un avenir meilleur, plus lumineux et plus sain, pour nos enfants et pour les générations à venir.

Pour en savoir plus

Sources :
    1. United Nations Treaty Collection. The Paris Agreement 2016.
    2. United Nations Sustainable Development Goals. 2015.
    3. Burlingame B, Dernini S. Sustainable diets and biodiversity: Directions and solutions for policy, research and action. Food and Agriculture Organization. 2010.
    4. United Nations: Department of Social and Economic Affairs. World population prospects. 2017.
    5. Global Nutrition report. 2018.
    6. Willett W, Rockström J, Loken B, et al. Food in the Anthropocene: the EAT–Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems. Lancet. 2019;393(10170):447-492.
    7. WWF France. Towards a low carbon, healthy and affordable diet. 2018.
    8. WWF (UK). Eating for two degrees. 2017.
    9. Poux X, Aubert PM: IDDRI. An agroecological Europe: a desirable, credible option to address food and environmental challenges. 2018.
    10. Karlsson JO, Carlsson G & Lindberg M, et al. Designing a future food vision for the Nordics through a participatory modeling approach. Agronomy for Sustainable Development. 2018;38:59.
    11. Edenhofer O, Minx J. Climate policy. Mapmakers and navigators, facts and values. Science. 2014 Jul 4;345(6192):37-8.
    12. Food and Agriculture Organization of the United Nations. Water for sustainable food and agriculture. 2017.
    13. World Resources Institute. Ranganathan J, Vennard D, Waite R et al. Working paper: Shifting diets for a sustainable food future. 2016.
    14. Food and Agriculture Organization of the United Nations. Greenhouse gas emissions from the dairy sector: a life cycle assessment. 2010.
    15. Hallström E, Carlsson-Kanyama A, Börjesson P. Environmental impact of dietary change: a systematic review. J Clean Prod. 2015;91:1–11.
    16. Aleksandrowicz L, Green R, Joy EJM, et al. The impacts of dietary change on greenhouse gas emissions, land use, water use, and health: a systematic review. PLoS One. 2016 Nov 3;11(11):e0165797.
    17. Drewnowski A; Ecosystem Inception Team. The Chicago Consensus on sustainable food systems science. Front Nutr. 2018 Apr 25;4:74.
    18. Torjesen I; WHO pulls support from initiative promoting global move to plant based foods; BMJ. 2019 Apr 9;365:l1700.
    19. Peyrault JL ; « Focus environnement : comment garder l’équilibre et sortir par le haut des controverses ?  Entre vraies questions et idées reçues » – Symposium CERIN – Journées Francophones de Nutrition 2019 – Rennes

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