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Le yaourt et la santé : que se passe-t-il du pot aux intestins ?

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Des experts éminents se sont réunis à l’occasion de la dernière session YINI au 21e Congrès international de la nutrition, qui s’est récemment tenu à Buenos Aires, pour faire le point sur les découvertes scientifiques majeures des 10 dernières années. La flore intestinale se profile ainsi de plus en plus comme un terrain pratique pour les essais et le yaourt comme un aliment favorisant une bonne santé intestinale et le bien-être en général.

Ce symposium important a rassemblé de nombreux professionnels de l’alimentation. Pour YINI, l’occasion était donc idéale pour inviter les grands experts à discuter des derniers résultats sur les bienfaits des microbes vivants dans les aliments fermentés et le microbiome intestinal. Ils ont ainsi mis en lumière ce qu’il se passait tant dans le petit pot que dans les intestins afin de mieux comprendre les effets du yaourt sur la santé.

Le microbiote intestinal est-il au carrefour de l’alimentation et de la santé ?

Le microbiote intestinal dévoile lentement ses secrets. Nous savons désormais que son écosystème contient environ 1 000 espèces différentes de microorganismes, qui codent à eux seuls plus de gènes que leur hôte humain. Sharon Donovan (University of Illinois, États-Unis) explique que cette masse de gènes interagit avec l’hôte humain par le biais de récepteurs spécifiques situés dans les cellules épithéliales, neuronales, immunes ainsi que par la production d’hormones et de métabolites.

Des études récentes sur des animaux ont mis en évidence le rôle essentiel du microbiote intestinal dans le développement et la fonction gastro-intestinaux, immunitaires, métaboliques et cognitifs. Les observations sur humains ont quant à elles démontré que les problèmes gastro-intestinaux, comme la maladie inflammatoire intestinale et le syndrome du côlon irritable, mais aussi d’autres maladies telles que l’obésité, le diabète de type 2 et l’atopie, sont liés à un déséquilibre du microbiote intestinal normal (dysbiose). Il est donc crucial de mieux comprendre le rôle de la dysbiose dans les maladies non transmissibles et de développer des stratégies pour améliorer le microbiote et la santé intestinale à travers l’alimentation. Il ressort en effet des publications sur le sujet que l’alimentation peut modifier le microbiome intestinal, qui aura à son tour un impact considérable sur l’état de santé général. Cet impact peut être positif ou négatif, selon le type et l’abondance des populations bactériennes qui le constituent. Il est par exemple prouvé qu’une alimentation riche en graisses affecte négativement l’A. muciniphila et les lactobacilles, tous deux associés à un état métabolique sain.

Par ailleurs, Sharon Donovan montre que l’apport alimentaire de prébiotiques impacte positivement le microbiome intestinal et que les aliments fermentés contenant des espèces microbiennes vivantes, comme le yaourt ou les produits laitiers fermentés enrichis aux probiotiques, peuvent être bénéfiques pour le microbiome intestinal et la santé. Certains groupes ont rapporté une augmentation de la charge totale bactérienne à la suite d’une consommation de lait fermenté ou de yaourt régulière. Des hausses significatives en bifidobactéries et/ou en lactobacilles, bénéfiques pour les intestins, ont été systématiquement observées pour plusieurs types différents de probiotiques. Il est également prouvé que le yaourt aux probiotiques réduit considérablement le taux des entéropathogènes E. coli et Helicobacter pylori.

Une alimentation pauvre en sources de prébiotiques (soja, blé et orge non raffiné, avoine brute, fructo-oligosaccharides (FOS)…) réduit l’abondance bactérienne totale. À l’inverse, une grande consommation de ces carbohydrates provoque une augmentation de la richesse génétique du microbiote.

Donovan conclut en faisant remarquer que l’alimentation peut moduler les interactions hôte-microbes, ce qui annonce une approche thérapeutique prometteuse.

Que se passe-t-il dans les intestins ?

Un lien a été établi entre la consommation de yaourt et une meilleure gestion du poids ainsi qu’un risque réduit de développer le diabète de type 2, un syndrome métabolique ou une maladie cardiaque. Le yaourt apporte des nutriments essentiels. Il se caractérise par ses microorganismes vivants (le streptocoque thermophile et le lactobacille delbrueckii subsp. bulgaricus) et par des souches de bifidobactéries et de lactobacilles ajoutées spécialement pour leurs propriétés probiotiques. Les deux organismes issus de cultures peuvent s’épanouir dans le milieu intestinal et, par conséquent, avoir un effet sur la santé. Ces propriétés probiotiques suscitent un grand intérêt chez les chercheurs. Robert Hutkins (University of Nebraska, États-Unis) a ainsi exploré les interactions entre les microorganismes ingérés et le microbiote intestinal ainsi que la façon dont les microorganismes peuvent modifier le milieu intestinal.

Les mécanismes physiologiques traduisant l’interaction de ces microbes avec le microbiote intestinal sont connus sous le nom de résistance à la colonisation. Selon des études récentes, le taux de lactobacilles semble augmenter avec une consommation régulière de yaourt. Chez certains sujets, l’on observe également une hausse de la diversité microbienne. La matrice laitière compte aussi ! Les produits laitiers constituent traditionnellement l’apport principal de ces probiotiques, qui survivent très bien dans ce milieu-là également.

Les tests cliniques apportent de plus en plus de preuves des bienfaits de la consommation de yaourt sur la santé. De nombreuses études récentes ont souligné le lien entre une plus grande diversité microbienne et un meilleur état de santé : il pourrait donc s’agir d’une découverte importante. Par exemple, il est prouvé que les bactéries du yaourt facilitent la digestion du lactose grâce à l’enzyme β-galactosidase, permettant ainsi aux personnes qui digèrent mal le lactose de manger du yaourt. Les recherches démontrent également que le yaourt contenant des probiotiques améliorent la santé intestinale et extra-intestinale, et entraînent une meilleure réponse immunitaire et inflammatoire aux diarrhées infectieuses et aux infections respiratoires. Hutkins a également présenté les derniers axes de recherche sur la relation microbiote-intestins-cerveau, allant jusqu’à avancer que les probiotiques et les prébiotiques peuvent influencer le comportement.

Dans sa conclusion, Hutkins rappelle qu’il est important de s’attaquer à l’idée reçue selon laquelle les aliments fermentés sont synonymes de probiotiques, ces derniers étant des bactéries vivantes ayant des bienfaits sur la santé quand ils sont consommés dans des quantités adéquates. En effet, tous les aliments fermentés ne contiennent pas des organismes vivants. Le processus de fabrication de la bière et du vin, par exemple, élimine ces organismes. D’autres produits fermentés subissent un traitement de chaleur qui désactive les organismes en question. Ainsi, le pain est cuit et la choucroute est souvent mise en conserve. Pour résumer, même si ces aliments sont nutritifs et, en tant qu’aliments fermentés, peuvent influencer la flore intestinale, ils n’ont pas d’activité probiotique.

Que se passe-t-il dans les petits pots ?

Comment expliquer les bienfaits du yaourt sur la santé rapportés par de nombreuses études épidémiologiques ? Le yaourt est un aliment riche en nutriments qui apporte des protéines, du calcium, des composés bioactifs et plusieurs micronutriments, ce qui pourrait aider à démystifier certains de ses bienfaits sur la santé. André Marette (Université Laval, Canada) a récemment présenté des résultats portant à croire que les protéines alimentaires peuvent se comporter en régulateurs clés des facteurs immunométaboliques et du microbiote intestinal. De plus, il s’est penché sur plusieurs aspects qui pourraient éventuellement expliquer le rôle de la fermentation dans les bienfaits du yaourt sur la santé. En effet, les protéines laitières se clivent pendant le processus de fermentation du lait dans les cultures de yaourt, générant ainsi de plus petites molécules qui pourraient avoir certains effets biologiques. Ces « peptides bioactifs » pourraient être à l’origine de la différence d’effet bénéfique sur la santé métabolique entre le yaourt et les produits laitiers non fermentés tels que le lait. Marette a mis en évidence des mécanismes impliquant les composants bactériens et les peptides bioactifs produits durant la fermentation qui pourraient être responsables de l’effet protecteur du yaourt contre les maladies cardiométaboliques (MCM). Par exemple, la fermentation du yaourt pourrait mener à une production accrue de peptides bioactifs entraînant des effets physiologiques comme une plus grande sensibilité à l’insuline et tolérance au glucose. Plusieurs peptides et segments peptidiques ont également fait l’objet de recherches pour leurs propriétés bioactives comme leur activité anti-hypertensive, anti-thrombotique, sur la satiété, opioïde, immunomodulatoire, ostéogénique et antioxydante. Les peptides de produits laitiers fermentés, et plus particulièrement du yaourt, ont ainsi généralement exercé un plus grand effet anti-inflammatoire que les autres produits laitiers. Ces effets immunométaboliques sont associés à des changements taxonomiques majeurs dans le microbiote intestinal. Il reste cependant à déterminer si certaines espèces bactériennes spécifiques sont modulées par les peptides issus de la fermentation des produits laitiers. Des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour accepter ces nouveaux mécanismes en tant que facteurs clés dans la protection contre les MCM comme le diabète de type 2 ou l’obésité.

De nouvelles recommandations concernant les aliments fermentés

Les aliments et les boissons fermentés font traditionnellement partie de l’alimentation humaine. Additionnés de microbes probiotiques, ils offrent dans certains cas des propriétés nutritionnelles et sanitaires telles qu’il serait bon d’en conseiller la consommation régulière. Malgré l’impact des aliments et boissons fermentés sur le bien-être et les maladies gastro-intestinales, les directives alimentaires mondiales n’intègrent pas leurs nombreux bienfaits et les recommandations de consommation dont ils font l’objet. Jusqu’ici, les directives alimentaires se sont toujours focalisées sur les besoins en nutriments, et donc sur la valeur nutritive des aliments. Mais pour Seppo Salminen (Université de Turku, Finlande), il est temps d’aller plus loin ! En effet, les bienfaits sur la santé associés à la consommation d’aliments fermentés tels que le yaourt sont de plus en plus évidents, et l’importance des microbes bénéfiques pour la santé comme les lactobacilles a été reconnue pour leur rôle dans le renforcement de la muqueuse intestinale. Cependant, seule l’allégation de santé sur la digestion du lactose a été approuvée en Europe en ce qui concerne les microbes utiles. Les directives ou recommandations nutritionnelles nationales incluant soit les probiotiques soit le yaourt aux bactéries vivantes n’existent que dans cinq États membres. Étant donné que certains effets physiologiques des probiotiques sont établis et que le yaourt avec ou sans probiotiques est bénéfique pour la santé humaine, des voix se lèvent pour intégrer le yaourt aux recommandations alimentaires. Pour Salminen, toutes les informations rassemblées sur les effets bénéfiques pour la santé du yaourt et du yaourt aux bactéries probiotiques constituent une réelle opportunité d’inclure ceux-ci aux recommandations nutritionnelles.

* IUNS 21st ICN, Buenos Aires, October 15-20, 2017

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